Le glas aurait-il sonné pour le métier de juriste d'entreprise?

Publié le par Juristes d'entreprise

 

Dans la quiétude de l’été, tandis que la plupart des professionnels concernés profitent innocemment de leurs congés d’été, les instances représentatives des avocats et des juristes d’entreprise poursuivent leurs publications sur le rapport Darrois, lequel a émis le vœu d’un rapprochement entre les deux professions.

 

Les représentants des avocats et des juristes d'entreprise semblent s'accorder sur la nécessité de créer un statut d'avocat en entreprise.

 

1. De son côté, le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris s’est, par une résolution du 21 juillet 2009, prononcé en faveur de la création d’un statut d’avocat en entreprise, dont les principales caractéristiques seraient les suivantes :

 

  • - L’avocat en entreprise serait soumis aux règles déontologiques de l’avocat (secret professionnel, confidentialité des
  • échanges, indépendance ; -
  • - l’avocat en entreprise exercerait ses fonctions au service exclusif de l’entreprise qui l’emploie et de ses filiales, à l’exclusion de son personnel et de ses clients,
  • - Il ne pourrait plaider pour son employeur devant quelque juridiction que ce soit,
  • - Il ne pourrait avoir de clientèle personnelle, à l’exception des missions d’aide juridictionnelle et commission d’office ;
  • - Il serait soumis à l’autorité du bâtonnier pour l’aspect déontologie, mais son contrat de travail demeurera régi par le Code du travail et la convention collective de l’entreprise qui l’emploie, sous le contrôle juridictionnel du Conseil de Prud’hommes.
  • - Son employeur sera tenu d’acquitter les cotisations ordinales et les primes d’assurances de nature à garantir sa responsabilité professionnelle.

 

Pourraient accéder à ce statut :

 

  • - Les avocats inscrits au Barreau ;
  • - Les titulaires du CAPA ou les juristes d’entreprise justifiant d’un master 2 et d’une expérience de 8 ans au sein d’un service juridique organisé d’une ou plusieurs entreprises,

 

Voir la résolution publiée par le COSAL (syndicat d’avocats) très remonté sur la question :

http://cosal.net/?page=archives/actu&id=3815

 

 

2. Par un communiqué de presse du 22 juillet 2009, l’AFJE (Association Française des Juristes d’Entreprise) nous livre enfin sa position officielle sur le rapport Darrois, soit près de 4 mois après sa remise au Chef de l’Etat !

 

L’AFJE s’y dit favorable à la création d’un statut d’avocat en entreprise, sous les réserves suivantes :

 

  • - Que la durée d’expérience professionnelle requise pour le bénéfice de la passerelle soit « ramenée à trois ans, cette exigence allant de pair avec celle de la détention d’un Master 1 ».

 

  • - Que le mécanisme de la passerelle soit maintenu selon les critères actuels, tant que les écoles de formation des professions du droit n’auront pas vu le jour.

 

  • - Que la reconnaissance du titre d'Avocat en Entreprise ne soit pas subordonnée à l’accord de l’employeur ;

 

  • - Que les demandes d'admission au statut d'Avocat en Entreprise soient examinées par des commissions régionales composées à parité par des juristes d'entreprise et des avocats et présidées par un magistrat pour en assurer l'impartialité ;

 

  • - L’AFJE demande que soit conservé pour les juristes d'entreprise et les Avocats en Entreprise le droit de représenter leur employeur devant toutes les juridictions judiciaires et administratives, qui, dans leur régime actuel, n'imposent pas le recours à un avocat.

 

  • - Que les avocats en entreprise soient exonérés de toute cotisation ou taxe liée à l’activité de plaidoirie, en ce compris les droits dits de plaidoirie et la taxe sur l’aide juridictionnelle proposée par le rapport Darrois.

 

A noter qu’il n’est aucunement fait cas du sort des juristes à fonctions mixtes (juridique et RH, juridique et administratif etc…), des juristes rattachés à des directions opérationnelles (la réalité du monde de l’entreprise fait que tous les juristes ne sont pas rattachés au directeur juridique), des juristes des cabinets d’expertise comptable ou de sociétés de protection juridique dont les clients sont des clients « externes », des juristes de collectivités publiques, lesquels sont exclus de facto des critères issus de la « passerelle », et ne pourraient donc accéder au statut d’avocat en entreprise, alors qu’ils font pourtant partie de la grande famille des juristes d’entreprise.

 

Instaurer un régime à deux vitesses n’est pas souhaitable.

 

Dans ces conditions, il semblerait opportun, si le statut d’avocat en entreprise devait être créé :

 

  • - Que la définition de l’avocat en entreprise ne repose pas sur les critères de la « passerelle », qui rappelons-le a pour objet de permettre aux juristes d’entreprise qui le souhaitent de devenir avocat en libéral, soit un métier différent du leur, mais sur des critères précis et objectifs permettant d’intégrer dans ce nouveau statut l’ensemble des juristes d’entreprise disposant d’un Master 2 en droit ;

Il s’agirait, rappelons le, pour les juristes d’entreprise d’un simple changement de statut n’affectant ni la nature ni l’étendue de leurs fonctions.

  • - Que l’avocat en entreprise puisse devenir avocat en libéral sur simple demande auprès de l’Ordre ;
  • -Que la reconnaissance du titre d'Avocat en Entreprise ne soit pas subordonnée à l’accord de l’employeur ;
  • - Que l’avocat en entreprise puisse plaider devant toutes les juridictions s’il le souhaite, ou ait a minima le droit de plaider devant les juridictions pour lesquelles le ministère d’avocat n’est pas obligatoire, comme c’est le cas aujourd’hui pour les juristes d’entreprise. L’interdiction de plaider ne doit en aucun cas être fondée sur la perspective fantasmatique de certains avocats de voir s’envoler une partie de leur chiffre d’affaires : il n’y a pas de raison objective à ce que demain les futurs avocats en entreprise soient pris d’une envie frénétique de fréquenter les prétoires, alors qu’il y a tant à faire au sein des entreprises pour précisément éviter les contentieux.
  • - Que soit précisé le sort réservé aux jeunes diplômés et aux juristes d’entreprise au chômage ;
  • - Qu’en tout état de cause, l’employeur soit exonéré de la taxe sur l’aide juridictionnelle proposée par le rapport Darrois, qu’il n’a à supporter sous aucun prétexte.
  • - Que soit étudiée conjointement avec les syndicats patronaux la question des cotisations ordinales, de l’assurance professionnelle et de la formation obligatoire, sources de coûts non négligeables pour l'entreprise;
  • - Que soit étudiée précisément par un comité juridique compétent la compatibilité d’un tel projet avec le droit communautaire, et notamment avec les dispositions de la directive Services ;
  • D’une façon générale, qu’avant que ne soit établi tout projet de loi aux conséquences potentiellement dévastatrices, soit réalisée, ainsi que l’Ordre des Avocats de Paris a pu le suggérer pour la fusion Avocats/Conseils en propriété intellectuelle, une étude d’impact associant l’ensemble des professionnels du secteur, mettant en exergue les conséquences économiques, juridiques, sociales et financières de la création d’un statut d’avocat d’entreprise.

 

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A
<br /> Blogs are so informative where we get lots of information on any topic. Nice job keep it up!!<br /> <br /> <br />
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G
je voulais seulement sous entendre qu'il est plus facile d'être autodidacte en matère de finances ou de RH que de droit. de nombreux exemples de la vie professionnelle le montrent.
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N
Bonjour,<br /> <br /> Je ne suis pas tout à fait d'accord avec "Monsieur Guilain". Comment pouvez-vous dire qu'on peut devenir financier à partir du métier de juriste et non l'inverse?! Vous pensez sincèrement qu'un juriste sans diplôme de finance suffisant pourrait devenir financier malgré tout?... Connaître les maths ne suffisent pas à ce fait et le travail est complexe et fastidieux... Il est pourtant vrai qu'une connaissance des deux métiers est tout à fait possible mais dans les deux sens: un juriste restera juriste en premier lieu tout comme un financier restera financier en premier lieu. Ainsi, un financier peut cumuler le métier de finance et droit si à l'inverse un juriste peut cumuler droit et finance! Même chose, même situation.
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L
Bonjour,<br /> <br /> Tout d'abord je tiens à vous remercier pour l'ensemble des textes. Pour ma part, il me semble que la première question à se poser est la suivante: "A quoi cela servira-t-il à une entreprise d'embaucher un -avocat en entreprise- plutôt qu'un juriste ou même de laisser un de ses salariés le devenir?<br /> - A avoir un juriste plaidant? visiblement non, enfin pas plus qu'à présent en matière commerciale<br /> - A garantir une plus grande indépendance au juriste? Les entreprises n'en sont pas demanderesses. Les juristes d'entreprises, qui me lisent, comprendront tout de suite de quoi je parle. Quant à la confidentialité des écrits..<br /> - A avoir un "super" juriste au sein de l'entreprise? Ce n'est pas le CAPA qui forme au monde de l'entreprise et à sa nécessaire flexibilité juridique.<br /> - A permettre aux avocats ne trouvant pas d'emploi de se "recaser" grâce à leur badge de détenteur du sacrosaint CAPA? ....<br /> <br /> Comme il l'a été dit plus haut, il me semblait que cette réforme devait harmoniser les deux activités juridiques?..pour ne pas dire profession. Or loin de permettre aux juristes français de rejoindre le rang de leurs collègues europééens, cette réforme,si elle voit le jour, devrait reléguer ces derniers en deuxième classe..
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G
précision complémentaire à mon propos : un financier pour moi ne devient pas juriste sans diplôme de droit suffisant. Un rh idem. A l'inverse un juriste peut devenir RH ou financier ! il suffit de voir les nombreux exemples existants. la formation juridique suffisante est pour moi indispensable dans les fonctions mixtes.<br /> et si on doit devenir avocat d'entreprise, il faut qu'on conserve a minima le droit de plaider que l'on a aujourd'hui et qu'on exerce.
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